vendredi 15 mai 2009

Les protéines pour les végétariens

"La plupart des gens ne considèrent pas la protéine d'un point de vue rationnel. (...) Cette manie de mégas-protéines symbolise la conscience d'une société fondée sur la croissance incessante, la protéine étant ce qui construit l'organisme." (Paul Pitchford)(1)

"Jusqu'à très récemment, quasi toutes les sources d'information de référence sur la nutrition (...) soulignaient la nécessité d'un apport adéquat de protéine, et mettaient en garde que les végétaliens pourraient facilement devenir déficients en protéines (...). En raison de cette notion largement répandue, de nombreux végétariens concernés utilisent des suppléments de protéines, des œufs et des produits laitiers ou des montants supplémentaires de légumineuses, levure de bière, soja, pâte de miso, graines et noix combinés avec des quantités abondantes de céréales afin de garantir et de "compléter" l'alimentation en protéines. Souvent le résultat n'est pas seulement le gonflement mais aussi une réduction de la protéine réellement assimilable.
La cause de cette préoccupation est la désinformation que les protéines d'origine végétale sont déficients en certains acides aminés et donc "incomplets" pour l'homme. La solution végétarienne recommandée a été de combiner différentes formes de protéines végétales - par exemple, une céréale et une légumineuse - afin d'obtenir un spectre d'acides aminés qui est "complet". Ces idées sur la combinaison de protéines et les normes pour arriver à des protéines "complètes" sont fondés sur des expériences effectuées sur des rats dans la première partie [du 20e] siècle".(2)

Pitchford explique ensuite que ces idées se sont révélées fausses entretemps, et que les besoins en protéines de l'homme sont très différents (et plus bas) que ceux des rats (entre autres parce que nous, les humains, ne sommes pas entièrement couverts de fourrure, comme les rats le sont). Selon lui, même les végétaliens consomment généralement trop de protéines, et il n'est pas nécessaire du tout de se demander si les protéines sont "complets" ou pas, sauf peut-être dans quelques cas particuliers (à savoir "les femmes enceintes et allaitantes, les enfants très jeunes, les hypoglycémiants, ceux et celles qui souffrent de stress psychologique ou physique, les alcooliques récupérants, les végétariens récents, et ceux qui sont en carence de protéines"). Pour eux, un plus large spectre d'acides aminés (habituellement appelé "protéines complètes") peut être obtenu en combinant des céréales avec des légumineuses (en ratio de deux parties de céréales à une partie de légumineuses), ou des céréales avec des noix ou des graines, mais ce n'est pas nécessaire pour la plupart d'entre nous, ni est-ce nécessaire de les combiner dans un seul et même repas. "Les aliments peuvent être consommés en alternance - les céréales lors d'un repas, les légumineuses lors du prochain (...)"( 2). Il y a un "réservoir d'acides aminés", une "réserve" stockée dans le corps, qui complètera les acides aminés présents dans le repas du moment avec les acides aminés ingérés précédemment, ainsi "complètant" les protéines.

Dans ses "lignes directrices pour les protéines", Pitchford recommande les quantités journalières suivantes(3):
  • Protéines animales (viandes, volaille, poisson et fromage): seulement comme médecine, 112 gr. par jour ou moins, 55-85 gr. est considérée comme idéale (pour ceux qui en ont besoin). Occasionnellement (p.e. lors des fêtes) 170 gr. ne cause pas de déséquilibre.

  • Protéines végétales (légumineuses - haricots, pois, lentilles, soja, produits à base de soja tels que le tofu et le tempeh -, quinoa et amarante): 225 gr. par jour ou moins, 95-170 gr. est l'idéal, 335 gr. maximum à l'occasion. Tous les poids sont pour des aliments préparés. Pour les protéines végétales extrêmement concentrés (comme les noix et les graines) c'est beaucoup moins: "30 gr. par jour est une quantité considérable de noix et de graines".

  • Protéines animales et végétales combinées: ajoutez la moitié du poids de l'apport en protéines végétales (sauf les noix et les graines) au poids entier des noix et graines et des protéines animales. Le total devrait tomber dans les lignes directrices pour les protéines animales (112gr. tous les jours, 55-85gr. idéal, 170 gr. max.)
    Par exemple: 170 gr. de lentilles, 10 gr. de noix et 30 gr. de poissons: 170/2 + 10 + 30 = 125 gr. Cet exemple dépasse légèrement l'apport maximal journalier recommandé de 112 gr.
(Je dois ajouter que le praticien de médecine traditionnelle chinoise que je fréquente estime que ces directives sont très basses, sauf pour des méditants à temps plein, et pourraient être légèrement plus élevées.)

Alors ne vous préoccupez surtout pas trop sur "où vais-je trouver mes protéines". Une quantité raisonnable de légumineuses, et quelques noix et graines, sont plus que suffisants pour la plupart d'entre nous. De temps en temps un "substitut de viande" peut être très savoureux et nutritif, mais attention à quel type de substitut - de nouveau, pas tout ce qui est vendu, est sain.

Voici quelques renseignements sur quelques produits végétals communs à forte teneur en protéines.

LE SOJA
"Sauf s'il est bien-cuit, le soja inhibe l'enzyme digestif nommé trypsine, ce qui le rend difficile à digérer. Le processus de fermentation, tel qu'utilisé pour la productuion de tempeh, tofu, miso et sauce de soja, élimine aussi l'effet d'inhibition de trypsine qu'ont ces haricots. (... ) (Pitchford décrit de nombreux effets bénéfiques de la consommation de produits de bonne qualité dérivés du soja, en particulier des produits fermentés mentionnés ci-dessus - le tempeh, le tofu, le miso et la sauce de soja. Par contre,) les laits de soja, les formules pour nourrissons contenant du soja, les poudres de protéines de soja, les concentrés de soja et les isolats de soja contiennent souvent des protéines dénaturées et/ou isolées sans les cofacteurs nutritionnels digestifs et métaboliques, et donc ne promeuvent généralement pas une santé durable."(4)

Le tempeh est recommandé par Pitchford comme étant "hautement nutritif (...) Dans les recettes avec de la viande, de la volaille ou du poisson, le tempeh est un excellent substitut pour ces produits d'origine animale. (...) Ne mangez pas le tempeh cru, il doit être cuit à fond."(5)
Aussi le tofu est recommandé par lui, mais soyez prudent, car il est considéré comme "refroidissant" dans la médecine chinoise traditionnelle. "Le tofu est un concentré de protéines et peut être bénéfique lorsque consommé en quantités modérées (...). Pour la plupart des gens, sa qualité yin, refroidissante doit être modifiée par une cuisson considérable. Ajouter des épices réchauffantes telles que le gingembre est particulièrement utile pour les personnes froides. (...) Attention: manger régulièrement des quantités énormes de tofu (comme le font certains Américains) peut contribuer à la faiblesse des reins et des surrénales, à la perte des cheveux et à leur vieillissement, à l'impuissance et la frigidité, et à la diminution de la sensibilité sexuelle."(6)

Rebecca Wood "[ne] recommande pas les produits occidentales indigestes à base de soja dont l'inhibiteur de trypsine n'a pas été enlevé. Ces produits incluent la farine de soja, les gruaus de soja, les flocons de soja, les noix de soja et la pâte de noix de soja. Je ne recommande pas non plus les produits super-raffinés à base de soja tels que la lécithine, les isolats de soja, les protéines de soya, le TSP (protéine de soya texturée) et le TVP (protéines végétales texturées)."(7) (Elle recommande bien le yaourt de soja, comme celui-ci est fermenté, et bien sûr aussi le tempeh, le tofu, le miso et la sauce de soja).

LE SEITAN
"Très riche en protéines, augmente la force et la vitalité, parfois appelé la viande de blé, un bon substitut pour l'alimentation animale."(8)
"Versatile, savoureux et sain. (...) Quand il est récemment fait avec des ingrédients de qualité, le seitan est un aliment énergisant."(9)

Notes de bas de page
(1) Paul Pitchford, «Healing with Whole Foods: Asian Traditions and Modern Nutrition", North Atlantic Books; 3e édition (2002), p. 131
(2) id. p. 131-132
(3) id. p.29-30
(4) id., P.510
(5) id., P. 522-523
(6) id., P.526-527
(7) Rebecca Wood, "The new whole foods encyclopedia: a comprehensive resource for healthy eating", préface par Paul Pitchford, révisé et mis à jour ed., 1999, Penguin Books, p. 316
(8) Paul Pitchford, «Healing with Whole Foods: Asian Traditions and Modern Nutrition", North Atlantic Books; 3e édition (2002), p.486
(9) Rebecca Wood, "The new whole foods encyclopedia: a comprehensive resource for healthy eating", préface par Paul Pitchford, révisé et mis à jour ed., 1999, Penguin Books, p.308

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